A propos de l’art de couvrir sa retraite

Lettre ouverte à E. Germain

A propos de l’art de couvrir sa retraite

4 juillet 1951

[Cet article est tiré du bulletin interne du PCI, la Vérité, No. 278, juillet 1951. Il constitue une contre-at-taque en résponse à l’attaque par Germain contre la critique faite par Favre-Bleibtreu dè l’article de Pablo “Où allons-nous?”.]

  

Cher Camarade Germain,

Nous prenons toujours le même plaisir à lire tes textes dont le niveau de culture, lé caractère imâgé et le style rapellent que tu restes le plus brilliant écrivain de l’Internationale. Mais je me confirme à ces lectures qu’une qualité, la plus nécessaire à un dirigeant, te’ fait défàut: la fermeté sur tes idées politiques.

Tu offres aujourd’ hui à la direction du P.C.l., magnanimement, le hâvre de paix “dans les rangs de la majorité de l’Internationale” où tu t’es réfugié  toi-même, sans gloire, après quelques velléités de résistance aux manifestations révisionnistes de Pablo. Excuse nous de ne pas te suivre dans cette voie car pour nous l’Internationale ne se construit pas par la manoeuvre et surtout pas par tes dérisoires manoeuvres.

Ainsi tu justifies ton approbation des thèses du C.E.l. (thèses contradictoires, électiques) en vidant celles-ci de toute signification et de tout contenu:

“ce document, écris-tu, ne prétendait NI élaborer une ligne d’action pour nos séctions, NI analyser en détail la situation économique ou politique mondiale à un moment précis, NI offrir une analyse élaborée de tel ou tel aspect complexe de la réalite mondiale (révolution coloniale, question du stalinisme, dynamique de la révolution européene, perspectives de la révolution américaine, etc…). Il prétendait seulement fournir le cadre général dans lequel devaient s’insérer de tels documents, dont I’élaboration incombe soit à la direction internationalè d’ici le Congrès Mondial; soit au Congrès Mondiale lui-même, soit aux diverses sections ou groupes régionaux de sections”.

Que tu apelles à la rescousse la tradition marxiste pour te tirer de cettè passe difficile n’est ni honnête pour la tradition, ni très honorable pour toi; même si cette jonglerie (vider de tout sens une résolution éclectique pour en faire un “cadre général”) tepermet de poursuivre ton double jeu.

Si je comprends ton axe de démonstration tout se résume au fait que Favre-Bleibtreu n’ose pas avouer qu’il adopte les positions du C.E.l.! Et tu alignes plusieurs citations de textes collectifs ou personnels d’où se dégage précisément l’idée qui’l n’existe pas de divergences fondamentales sur la nature de la guerre; sa dynamique et que nos positions sur les délais de guerre sont plus correctes que celles, confuses et contradictoires, du C.E.l.

Mais acceptons ta thèse: Bieibtreu est “devenu” d’accord avec le C.E.l., mais il a trop mauvais caractère pour le reconnaitre, Frank et Privas, co-rédacteurs des “annexes” ont bon caractère. Et moi Ernest GERMAIN, qui au mois de janvier donnais mon’ approbation àux “annexes,” je suis une bonne pâte.

Tout cela serait idyllique, et je condamnerais avec toi le mauvais caractère de Favre-Bleibtreu s’il ne s’agissait précisément pas d’autre chose sur quoi tu t’efforces constamment de faire diversion, à savoir: du rôle de la bureaucratie stalinienne dans la paix et dans la guerre, de la nature de la bureaucratie, de la révision par Pablo de la défense de l’URSS, de la nature des PC, et des rapports des PC avec les masses.

Nul mieux que toi ne sait que là réside le désaccord et que notre critique des positions du C.E.I. dans la question de la guerre porte sur les conséquences dans un problème important, de ces tendances révisionnestes sur la question du stalinisme.

Tu le sais si bien qu’au mois de janvier 1951 tu nous fis prendre connaissance au camarade Marin et  â moi-même du projet de tes “10 THESES” sur le stalinisme pour nous convaincre qu’il était inutile d’ouvrir la polémique contre Pablo et son texte “OU ALLONS-NOUS”.

Nous avons pensé avec toi que ces thèses que nous approuvions étaient un redressement, suffisant des manifestations révisionnistès dans le C.E.I. A ta demande nous avons décidé de ne pas entreprèndre cette polémique au cas où les dix thèses seraiènt adoptées par le S.l. comme document fondamental proposé au vote des sections et du Congrès Mondial.

Nous estimions em effet que l’adoption officielle et dans ces formes des 10 thèses par opposition aux tendances, révisionnistes manifestées étaient suseptible d’assurer le redressement en prêservant l’homogénéité de la majorite Internationale.

Et lorsque par manque de fermeté, camarade Ernest GERMAlN, tu te dérobas devant cet eng engagement et que aprè’s des mois où l’on nous a bercé d’iliusions nous combattons contre un danger mortel qui menace notre Internationale, tu te retournes vers nous três cérémonièx , en appelànt manoeuvre l’adoption par nous de ces 10 thèses. J’admets qué la lecture de la résolution par laquelle nous adoptonis tes 10 thèses t’ait produit “une impression fort pénible”. Mais tu ne peux t’en prendre qu’à toi-mêmè si le B.P. du P.C.I. a été amené’ à les adopter en lieu’ et place du S.I. que tu n’as pas réussi à convaincre.

Ce que tu fais aujourd’hui, pour couvrir ton bloc sans principe avec Pablo, nous te l’avons prédit il y a 6 mois lorsque tu nous expliquais qu’il “vaut mieux bien agir qu’avoir raison”. Comme prévu, en renonçant à avoir raison, c’est à dire à lutter courageusement pour tes idées, tu fus contraiI;lt de’ mal agir.

Les erreurs politiques comme celles du Camarade Pablo peuvent se redresser. Mais ruser avec les idées” faire consciemment un bloc sans principe en renonçant à défendre ses idées, faire passer les “combines” d’organisation avant la clarification, c’est un mal très grave qui appelle’ les plus expresses réserves’ sur le “dirigeant” qui en présente les symptômes.

Camaradre Ernest GERMAIN, renonce aux manoevres de diversion, renonce à ton double jeu puéril et irresponsable, exprime et défends tes idées comme nous les défendons nous-même. Il te sera alors beaucoup pardonné pour les erreurs que tu pourrais’ commettre, même si elles dépas-sâient les erreurs additionnées de Pablo et de Bleibtreu.

Marcel Favre (“Bleibtreu”)